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L’ART CHEMIN FAISANT…26ème édition
PARCOURS D’ART CONTEMPORAIN

MIN JUNG-YEON
"Autres Soleils"

23 JUIN> 22 SEPTEMBRE 2024

L’ART CHEMIN FAISANT…26ème édition
PARCOURS D’ART CONTEMPORAIN

MIN JUNG-YEON
"Autres Soleils"

23 JUIN> 22 SEPTEMBRE 2024

Min Jung Yeon

Après la tempête

Pour cette 26e édition du parcours d’art contemporain L’art chemin faisant au centre d’art de Pont-Scorff, l’artiste Min Jung-Yeon est venue semer quelques soleils dans la grisaille bretonne. Floraisons d’œuvres choisies dans sa production récente ou créées pour le lieu, son univers hybride se déploie sous diverses formes comme une invitation au voyage destinée au corps autant qu’à l’esprit. Cheminement et révélation. Comme un petit matin levé dans la tempête.
C’est un tempo intérieur et ambigu que nous donnent à sentir les dessins et les peintures faits de paysages, d’architectures, de figures hybrides et fragmentaires. Tantôt d’un réalisme poussé tantôt proche de l’abstraction, la figuration de Min Jung-Yeon se donne toujours par morceaux et ambivalences. Les règnes s’y fondent. Végétal ? minéral ? organique ? Entre plongée intérieure et perception de choses réellement perçues, l’œil voyage. Ici et ailleurs. Une forme en devient une autre. Comme dans notre mémoire, les choses se donnent par bribes, comme dans la vie, en mouvement. Une réflexion que Min Jung-Yeon déploie aussi grâce à d’autres médiums. Dans l’installation réalisée pour la salle de Justice, cohabitent des fragments de meubles réels et quelques moulages de ces morceaux dont l’empreinte ne gardent qu’une mémoire parcellaire. A chacun d’imaginer les traces de vies passées, entre présence et effacement. C’est un même va et vient entre apparition et disparition qui se matérialise dans le film d’animation « Effluves d’un temps éphémère ». Sons et images se propagent en nous, fugaces et fluides comme au-dedans le temps-rivière.
C’est encore en mouvement que se donne le dessin de Min Jung-Yeon lorsqu’il se déploie hors du support traditionnel. Repensée pour le lieu, l’installation « Tissage », créée en 2019 pour le musée Guimet, se déploie ici, en résonance sur trois salles. La forêt mystérieuse où trouve refuge un gigantesque oiseau, d’abord dessinée progresse vers la troisième dimension pour devenir, dans la dernière salle, plumes réelles réalisées en papier. Une sculpture en mouvement de vagues dans laquelle le spectacle s’immerge totalement ; dialogue accentué par l’effet miroir des tissus recouvrant tous les murs. Immersion et mouvement caractérisent aussi l’installation réalisée par l’artiste dans le tunnel en béton proche du centre d’art, datant de la seconde guerre mondiale. Min Jung-Yeon y a peint les parois de manière progressive, d’abord couleur indigo puis tirant vers le jaune citron. Un cheminement vers la lumière qu’accompagne le son spécialement créé par le compositeur coréen Whan Ri-Ahn, diffusé dans le tunnel avec une intensité sonore elle-même progressive.
L’invitation au voyage chez Min Jung-Yeon, dans ce qu’elle convoque de mouvement, d’hybridité et de métamorphoses, est fortement nourrie de mythes et de contes populaires, souvent en lien avec les croyances chamanistes ou la pensée taoïste, fondatrices pour l’artiste d’origine coréenne. Comme dans les principes du Taoïsme, l’œuvre de Min Jung-Yeon est une invitation à la réconciliation des contraires. Un tissage du vide et du plein, du masculin et du féminin, du petit et gigantesque, de l’ombre et de la lumière. Douleur et bonheur sont intimement mêlées, nous rappelle Tchouang-Tseu dans le livre de Zhuāngzǐ. Ainsi nous explique Min Jung-Yeon : Tchouang-Tsey y raconte l’histoire d’un « poisson qui voulait devenir un oiseau pour pouvoir s’envoler. Il a pris beaucoup de temps pour transformer chacune de ses écailles en plumes. Mais il était tellement gros qu’il n’avait plus assez de place sur terre pour pouvoir décoller, comme dans le poème L’Albatros de Baudelaire. Il attendait l’aide d’une tempête pour y parvenir, il était Yin il voulait devenir Yang. C’est toujours des histoires de circulation d’énergie entre les deux pôles, entre la joie et la douleur aussi. En même temps, tu es les deux, comme chaque être est homme et femme à la fois. Comme l’oiseau est énorme, tu ne vois pas la totalité, un peu comme les rhizomes de Deleuze, la forme s’auto-génère et on ne sait pas où elle commence et où elle s’arrête ».
C’est tout ce que nous donne à sentir cette nouvelle exposition de Min Jung-Yeon. Tel un corps qui s’auto-génère et nous englobe, sans début ni fin. Un voyage qui nous mène à la rencontre de nos étranges « je », où tout s’achève et tout re-commence. Chaque œuvre se déploie en nous et dans son mouvement elle semble nettoyer nos ombres. Un peu comme la plume blanche dans les rituels funéraires chamaniques nettoie la route pour ouvrir à l’esprit de la mort le chemin de la terre vers le ciel. Cheminement et révélation. A chacun d’entendre la musique de ce ciel. Qu’il soit couleur bleu. Ou couleur d’infini. Ici et maintenant. Ou ailleurs. Il y a tant de soleils.

Amélie Adamo, mai 2024
Critique d'art, commissaire d'exposition, autrice

L'artiste est représentée par la Galerie Maria Lund - Paris

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